Dans le cadre de son Programme de la promotion des droits humains, des pratiques démocratiques, la gouvernance participative et la lutte contre la corruption en collaboration avec la Fondation Konrad Adenauer, le Bureau de l’Union Africaine et le Bureau de la CEEAC en RDC, le Comité exécutif national et le Secrétariat exécutif national de la LICOPADEL (Ligue congolaise pour la paix, les droits de l’homme et les élections), a organisé jeudi 3 octobre 2024 dans la salle Me Kinkela-Vi-Kansy au quartier Salongo dans la commune de Lemba, une conférence-débat sur les enjeux de la situation politique et sécuritaire de l’heure en RDC et la nécessité de la convocation d’un Dialogue national intercongolais de toutes les forces politiques et sociales, pour la recherche de la cohésion nationale et les stratégies pour mettre fin à la guerre dans les provinces de l’Est.
Quelques acteurs politiques ont été convié à cette rencontre présidée par Me Patrick Pindu-di-Lusanga, Directeur Exécutif de la LICOPADEL, afin de donner chacun son point de vue sur ces différents sujets d’actualités, notamment Me Nico Fay, Analyste politique ; M. Alain Bolodjwa, président du parti politique Levons-nous et Bâtissons (LEBAT) et Me Richard Mpinda, Ancien Secrétaire national de l’UDPS chargé de communication.
Dialogue : un non-sens
Dans son intervention, Me Nico Fay estime qu’à ce stade, le dialogue est un non-sens, car pour gouverner un Etat ou un pays, on n’a pas besoin de dialoguer, surtout lorsqu’on a gagné massivement les élections.
« Tous les problèmes auxquels sont confrontés les congolais, exigent-ils que deux, trois voire quatre personnes aillent s’asseoir quelque part pour dialoguer ? Pensez-vous que si une minorité des congolais se rassemblent quelque part pour dialoguer, on donnera le transport aux congolais ou on fera en sorte que les rebelles puissent abandonner les territoires qu’ils ont conquis ? Non, l’Etat c’est plutôt la puissance publique. Et lorsque l’ordre public est troublé, il appartient à l’Etat de le rétablir, sans aucune forme de procès (…), pour la simple raison que, sécuriser les personnes et leurs biens, fait partie des missions régaliennes d’un Etat », a-t-il rappelé.
Et de poursuivre : « Aucune capitale étrangère ne viendra faire le travail de l’Etat congolais, lequel devra s’atteler à la sécurité, la tranquillité et la salubrité. A ce sujet, l’Etat étant une personne morale représentée par des personnes physiques, celles-ci doivent poser des actes conformes aux missions régaliennes de l’Etat. Le dialogue n’a donc pas sa raison d’être, étant donné qu’il y a une majorité qui a gagné les élections.il appartient à cette majorité de faire le travail pour lequel elle est au pouvoir. Aujourd’hui si le chef de l’Etat lui-même affirme qu’il n’y a pas l’opportunité du dialogue, il n’a qu’à rétablir l’ordre public », estime Me Nico Fay.
Pour Alain Bolodjwa, président du parti politique Levons-nous et Bâtissons (LEBAT), le dialogue constitue un moyen par excellence pour résoudre certains problèmes, mais par contre, ce n’est pas une solution automatique. « Nous avons considéré que l’initiative prise par M. Fayulu, est mal réfléchie, parce que ne tenant pas compte de la dimension anthropologique, par le fait qu’en face de nous se trouve quelqu’un qui n’a pas besoin de trouver des solutions, surtout qu’il fait partie du problème. Initier un projet de dialogue actuellement, c’est chercher à accompagner le président Félix Tshisekedi dans sa dérive dictatoriale », a réagi cet acteur de l’opposition.
A la place, il propose de conscientiser la population, afin de donner des orientations à la gouvernance. Alain Bolodjwa reste d’avis qu’il n’est pas nécessaire de continuer à accorder un chèque en blanc à tous ceux qui posent des actes contre l’Etat. « Le président Félix Tshisekedi a eu à signer certains accords en violation des grands principes de gouvernance et de l’intérêt de la population. Pourquoi devons-nous dialoguer avec lui, alors qu’à l’époque, il avait traité Paul Kagame de frère et de partenaire sérieux et fiable. Voilà pourquoi aujourd’hui, nous ne pouvons pas le considérer comme solution, mais plutôt comme problème. Dans cette logique, nous ne pouvons pas dialoguer avec lui », a soutenu Alain Bolodjwa.
Par ailleurs, cet opposant au régime propose néanmoins une solution : c’est l’enclenchement de l’art. 64 de la Constitution de la RDC, où les constitutionnalistes sont claires dans les dispositions de celui-ci : « lorsqu’il y a un ennemi de l’intérieur, on doit enclencher l’art. 64, pour le mettre hors d’état de nuire, au lieu de chercher d’amener la classe politique dans ce semblant dialogue. Heureusement que le président Félix Tshisekedi lui-même s’est prononcé quant à ce, bien que lorsque l’église catholique lui posait la question à ce sujet, il n’avait pas rejeté l’idée du dialogue. C’est donc Martin Fayulu qui doit se sentir déstabiliser », regrette Alain Bolodjwa.
Modifier la Constitution, c’est scier l’arbre sur lequel on est assis
A une question sur la tentative de changement ou révision de la Constitution, le président de LEBAT répond : « Je me rends compte qu’ils ne se sont pas encore prononcé de manière formelle et apparemment, ils n’ont pas encore commencé à bien réfléchir : veulent-ils réviser certains articles de la Constitution ou changer la Constitution ? Si l’initiative est de réviser certaines dispositions, quoi de plus normale parce que la Constitution elle-même a prévu des mécanismes pour la révision de certaines dispositions. L’important c’est plutôt de garantir la pertinence et l’opportunité. Mais lorsqu’ils veulent coûte que coûte changer la Constitution, la grande question c’est celle de savoir : d’où tirent-ils ce pouvoir ? Parce qu’il n’est pas reconnu aux animateurs des institutions, le droit de changer la Constitution, pour la simple raison qu’on ne peut pas scier l’arbre sur lequel on est assis », argumente Alain Bolodjwa, avant d’enchaîner : « Si vous mettez en cause cette Constitution, cela sous-entend que vous mettez en cause tous les acquis de la même Constitution, notamment la fonction. Nous considérons pour notre part, que les politiques doivent arriver à gérer leurs ardeurs, surtout que la plupart d’entre eux détiennent une double nationalité. Au regard des dispositions pertinentes de l’art. 10 de la Constitution, toute initiative allant dans le sens de changer la Constitution, doit être considérée comme l’intention de renverser l’ordre politique établi. Or, celui qui cherche à renverser l’ordre politique établi, est appelé rebelle », a conclu Alain Bolodjwa.
Le troisième intervenant, Me Richard Mpinda, Ancien Secrétaire national de l’UDPS chargé de communication, a brillé par son absence, malgré le souci de la LICOPADEL de pouvoir équilibrer la participation à cette conférence-débat.
ONG de défense des droits de l’homme, de la bonne gouvernance et de la promotion de la culture démocratique, la LICOPADEL est également un cercle de réflexion, d’études et de prospective.
José Wakadila