La « déclaration de principes » signée le 25 avril ne constitue pas encore un accord de paix complet, mais fixe les grands principes d’un futur traité. Selon le texte publié par le Département d’État américain, Kinshasa et Kigali s’engagent avant tout à respecter mutuellement leur souveraineté et l’intégrité de leurs frontières.
Par ailleurs, les deux pays affirment vouloir résoudre pacifiquement leurs différends et s’abstenir de toute ingérence interne réciproque. La déclaration prévoit aussi l’arrêt du soutien aux groupes armés non étatiques : bien qu’ils ne soient pas nommés dans le document, il est entendu qu’il s’agit de l’AFC-M23 pour le Rwanda et des FDLR pour la RDC.
Sur le plan économique, Kinshasa et Kigali promettent de renforcer l’intégration régionale, notamment en encadrant l’exploitation conjointe des richesses naturelles et en accroissant la transparence dans les chaînes d’approvisionnement des minerais critiques. Ils ambitionnent ainsi d’attirer des investissements « mutuellement bénéfiques », en particulier américains, pour transformer l’économie des Grands Lacs. Enfin, la déclaration vise à faciliter le retour sûr des réfugiés et déplacés dans leur région d’origine, rappelant qu’environ 100 000 Congolais vivent en exil au Rwanda.
En somme, ce document politique réaffirme les principes du droit international – souveraineté, règlement pacifique des conflits, non-ingérence – tout en inscrivant la coopération économique et le démantèlement des guérillas dans une feuille de route bilatérale.
Implications sécuritaires immédiates et à moyen terme
À court terme, la déclaration vise à sceller une accalmie. Elle s’inscrit dans la continuité de la trêve récente avec le M23 (annonce du 23 avril 2025 à Doha) et prévoit l’élaboration d’un mécanisme de coordination sécuritaire commun. Les deux gouvernements se sont engagés à ne plus armer ou héberger de groupes rebelles, ce qui, en théorie, devrait contraindre le M23 à cesser ses offensives et pousser les autorités congolaises à neutraliser les FDLR (comme l’exige la résolution 2773). Toutefois, ces engagements restent à concrétiser : la MONUSCO rappelle que sans retrait effectif des forces rwandaises et sans désarmement des milices, la situation restera volatile. À moyen terme, la déclaration ouvre la porte à un accord de paix définitif incluant l’intégration ou la démobilisation des combattants rebelles. Historiquement, l’intégration de tels groupes est un processus difficile (souvent géré par des accords de paix formels sous supervision internationale), et nécessitera un suivi rigoureux. Si ces engagements sont respectés, la lutte contre l’insécurité dans l’Est pourra s’intensifier de façon coordonnée, mais toute violation pourrait relancer l’escalade. En tout état de cause, l’ONU et d’autres médiateurs se disent prêts à accompagner la mise en œuvre (protection des civils, suivi des troupes étrangères).
Gouvernance des ressources minières dans les zones affectées
L’Est de la RDC est extrêmement riche en minerais stratégiques (cobalt, coltan, or, lithium…) qui alimentent l’industrie mondiale de l’électronique. Or ces ressources ont historiquement financé les conflits locaux. Comme l’a souligné l’expert Jean-Pierre Okenda, une part importante du coltan et des « 3T » (étain, tungstène, tantale) extraits dans l’Est est acheminée clandestinement au Rwanda, financant ainsi indirectement les rebelles. La déclaration de principes prend acte de cet enjeu : en appelant à « renforcer la transparence dans les chaînes d’approvisionnement des minerais critiques », elle vise à lutter contre l’exploitation illicite et à garantir un partage équitable des revenus miniers. Par ailleurs, elle encourage l’investissement étranger (notamment américain) dans les mines congolaises via des partenariats économiques, alors même que des négociations séparées sont en cours pour un accord tripartite entre la RDC, les États-Unis et le secteur privé sur les « minerais stratégiques » (cobalt, coltan, lithium). Ce projet, controversé au sein de l’opinion congolaise (l’opposition Lamuka parlant de « bradage » des ressources), illustre les enjeux d’influence géo-économique : la Chine reste le plus gros acheteur de coltan passant par le Rwanda, tandis que Washington cherche à diversifier son approvisionnement. En pratique, une bonne gouvernance minière (traçabilité des filières, normes anti-corruption, implication des communautés locales) sera cruciale pour que le partage des ressources serve réellement la paix plutôt que d’alimenter de nouveaux conflits.
Réactions nationales et internationales
Les réactions ont oscillé entre optimisme prudent et méfiance. À Kinshasa, la cheffe de la diplomatie congolaise a présenté l’accord comme un « engagement politique » concret répondant à l’urgence humanitaire de l’Est. Les autorités congolaises soulignent que la résolution 2773 du Conseil de sécurité appelle au retrait des troupes étrangères du territoire congolais, pointant du doigt l’implication rwandaise. Dans l’opinion congolaise, certains applaudissent l’ouverture du dialogue mais d’autres restent sceptiques, redoutant un énième arrangement sans véritables garanties. Par exemple, la coalition d’opposition Lamuka a critiqué en parallèle le projet d’accord minier avec les États-Unis, affirmant que l’« accord que Félix Tshisekedi propose […] n’est ni plus ni moins qu’un bradage des ressources de notre pays ». Au Rwanda, le ministre Nduhungirehe s’est réjoui que la déclaration « ouvre la voie à un accord de paix définitif » dans la région, mettant l’accent sur le besoin de sécurité contre les miliciens hutus et sur les gains économiques partagés. Les instances internationales ont salué l’initiative : le secrétaire d’État américain Marco Rubio l’a qualifiée d’« étape importante » qui permettra d’attirer plus d’investissements étrangers et de favoriser le retour des déplacés, soulignant que « la paix durable ouvrira la voie à des opportunités économiques ». Le Qatar, facilitateur des pourparlers, a salué « une avancée positive et importante en vue de favoriser la stabilité et la paix dans la région », insistant sur le respect mutuel et le règlement négocié des différends. L’Union africaine et les médiateurs régionaux (processus de Luanda, CAE) ont également exprimé leur appui, appelant à harmoniser les efforts existants pour concrétiser ces principes dans un accord durable. Enfin, des acteurs européens ont exhorté à la vigilance : le porte-parole de l’UE a demandé à Kigali de « mettre fin à sa coopération avec le M23 » et de retirer ses forces du sol congolais, appelant de même Kinshasa à couper les liens avec la FDLR, sous peine de sanctions.
Enjeux géopolitiques et économiques régionaux
Cette déclaration s’inscrit dans un contexte régional complexe. La RDC a récemment rejoint la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) aux côtés du Rwanda, ce qui théoriquement favorise l’intégration (infrastructures, commerce, monnaie). À moyen terme, une paix véritable dans les Grands Lacs pourrait débloquer des projets stratégiques (corridors routiers transfrontaliers, exploitation partagée du plateau minier de Kivu, etc.). Toutefois, des rivalités géostratégiques pèsent sur l’accord. La Chine, via ses entreprises étatiques, domine toujours le secteur minier rwandais et congolais – plus de 80 % du coltan congolais y est destiné. De son côté, Washington pousse à conclure rapidement des partenariats miniers (dans le cadre de sa « Raw Materials Security Act ») pour diversifier ses importations critiques. Parallèlement, le Burundi et l’Ouganda, qui subissent eux aussi l’instabilité du Kivu, observent ces négociations avec intérêt. Un accord durable renforcerait la stabilité d’ensemble et pourrait améliorer la coopération avec ces voisins. En revanche, s’il échoue, il risquerait d’augmenter les tensions entre blocs régionaux (SADC vs EAC) et de donner à des puissances extérieures (États-Unis, Chine, ou Russie via des acteurs privés) une plus grande influence sur les mines congolaises.
Risques et opportunités pour la stabilité régionale
Ce pacte de principes ouvre des perspectives inédites : s’il aboutit, des millions de déplacés pourraient retourner chez eux dans des zones désormais sûres, et la région deviendrait plus attractive pour les investissements américains et européens (comme l’a souligné Rubio). De nouveaux partenariats économiques bilatéraux seraient créés, apportant croissance et emploi. Sur le plan sécuritaire, la coopération formalisée contre les groupes armés faciliterait leur démantèlement, théoriquement au bénéfice des civils. Cependant, les risques demeurent élevés. Les liens opaques entre minerais et milices ne sont pas brisés du jour au lendemain, et le retrait effectif des troupes rwandaises reste conditionnel à la confiance mutuelle. Le moindre manquement (un envoi d’armes, un financement occulte ou la réapparition de troupes étrangères non autorisées) pourrait rompre l’équilibre précaire. Des acteurs économiques peu scrupuleux (trafiquants de minerais, intermédiaires corrompus) ont intérêt à saboter le processus. Enfin, les populations locales, traumatisées par des décennies de conflit, restent méfiantes : le souvenir de violations passées pourrait compliquer la réconciliation. L’Union européenne a par exemple prévenu qu’elle n’hésiterait pas à imposer de nouvelles sanctions contre les fauteurs de troubles si l’accord était trahi.
Perspectives de mise en œuvre des engagements
La déclaration de principes constitue un début de feuille de route. Les signataires se sont donné une échéance proche pour transformer ces intentions en un avant-projet d’accord : un document préparatoire est attendu d’ici 02 mai 2025. Cette temporalité très resserrée oblige à un dialogue intensif entre Kinshasa et Kigali, avec le soutien actif des médiateurs internationaux (États-Unis, Qatar, Union africaine). En pratique, la suite dépendra de la création de mécanismes de suivi crédibles (comités tripartites, observateurs onusiens, vérifications tierces). À défaut d’un traité contraignant, la confiance sera le gage le plus important : chaque partie devra démontrer concrètement qu’elle tient ses promesses (fin du soutien au M23, démantèlement des réseaux logistiques, retour volontaire des réfugiés, etc.). La Monusco a d’ores et déjà indiqué qu’elle était prête à accompagner la mise en œuvre – notamment en matière de protection des civils et de consolidation de la paix. En dépit de ces efforts, de nombreux observateurs restent prudents : la publication du texte de principes est historique, mais sa traduction en actes réels nécessite des concessions réciproques substantielles et un engagement continu des partenaires internationaux.
QUI PERD-GAGNE ?
À ce stade, je dirais que Kigali tire plus d’avantages immédiats que Kinshasa, même si officiellement la déclaration paraît équilibrée : Sur le terrain militaire, le M23 soutenu par Kigali contrôle toujours des villes stratégiques comme Goma et Bukavu. Kinshasa n’a pas récupéré ces territoires malgré la déclaration, ce qui laisse au Rwanda un levier énorme ;Sur le plan diplomatique, Kigali obtient une forme de reconnaissance. Au lieu d’être isolé ou sanctionné, le Rwanda signe un texte officiel avec la RDC sous la médiation américaine, ce qui lui donne une image de « partenaire de paix » malgré son soutien militaire au M23 ;Économiquement, Kigali conserve un accès indirect aux ressources minières de l’Est congolais. Même si la déclaration parle de « transparence », aucune mesure concrète immédiate n’oblige le Rwanda à arrêter l’exploitation illicite du coltan, du tantale et du lithium congolais ;Pour Kinshasa, il y a des gains symboliques (affirmation de la souveraineté, reconnaissance de l’occupation illégale par des troupes étrangères), mais pas encore de résultat concret : pas de retrait rwandais, pas de désarmement massif du M23, pas de récupération immédiate de l’Est.
Conclusion
Si pour les Rwandais, le conflit à l’Est de la RDC est une question de vie, de survie ou de mort, pour Kinshasa, il s’agira peut-être de mettre fin aux appétits belliqueux Rwandais. Disons que Kigali gagne du temps, légitime sa présence indirecte, protège ses intérêts économiques et sécuritaires, et échappe pour l’instant aux sanctions sévères. De son côté, Kinshasa obtient un engagement de principe, une reconnaissance de sa souveraineté sur le papier, mais nécessitant de l’application réelle pour obtenir des résultats tangibles.Tout dépendra maintenant de l’étape suivante : si Kinshasa parvient à transformer cette déclaration en retrait physique des troupes, désarmement du M23 et la purgation des tendances expansionnistes Rwandaises, alors ce sera une grande victoire. À titre de recommandations, comme l’a dit à jeune Afrique, le Professeur Martin ZIAKWAU, que ce projet d’accord face objet de ratification, permettant un débat parlementaire. Deuxièmement, Kinshasa devra préparer une longue et pénible guerre de transformation mentale d’un nouveau type d’homme congolais intègre et incorruptible d’une part, et d’autre part, le réarmement sophistiqué des militaires, car autant que l’adversaire n’aura pas assouvi son incommensurable soif des richesses que regorge la RDC, il recourra toujours à la même Stratégie de trompe l’œil, pour assoir son hégémonie sur la RDC. Gars donc aux belligérants congolais et Rwandais ainsi qu’au médiateurs internationaux pour que la paix des braves ne se transforme en dindon de la farce .
Par GAYO BULAMBO Cadet , Juriste et analyste indépendant des questions juridiques et de corruption.

D’autant plus que le gouvernement congolais ne travaillera pas sur sa politique sociale ou politique publique interne, il ne réussira jamais à mettre fin durablement aux conflits armés. En ma qualité de criminologue et politicien congolais, je suis convaincu avec d’autres que » la bonne politique criminelle, c’est la meilleure politique sociale » c’est à dire que le gouvernement doit s’engager à prévenir et non à gérer la crise sécuritaire. Les enjeux de groupes armés dans notre pays sont bien connus dans les écrits de certains auteurs congolais et d’ailleurs. Les richesses du pays doivent servir à son développement, qui implique le développement salarial, sanitaire, éducatif, sécuritaire etc.
Il y’a pas une classe moyenne dans notre pays, je ne suis pas prophète de malheur mais notre pays risque d’entamer une guerre de classes (les bourgeois et le prolétariat ou pauvres), avec la politique de sous-traitance une grande partie de la population reste frustrée estimant qu’elle travaille pour enrichir de nouveau les riches. Ça et bien d’autres antivaleurs comme le pouvoir accordé aux autorités morales de partis politiques avant les nominations aux différents postes de la république constituent une bombe à retardement pour notre pays.
Il était souhaitable pour moi, après ce processus de paix que je considère externe, d’entamer un autre qui consistera à redéfinir les politiques internes par une bonne gouvernance dans tous les secteurs de la vie au Congo.
La prévention coûte moins cher.
Fikiri kipepya Jean Paul Criminologue, spécialiste en sécurité en formation et politicien