Au cours de la plénière tenue le lundi 07 octobre, l’Assemblée nationale a prorogé pour la 83e fois l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. La majorité des députés nationaux présents à cette plénière ont voté pour sa prorogation.
Le projet de loi portant prorogation de cet état de siège a été présenté par le ministre de la Formation professionnelle, Jean-Marc Ekila.

Après son adoption conformément à l’article 144 de la Constitution, ce projet de loi a été envoyé au Sénat pour une seconde lecture.
Appel à la mise en place d’une commission d’enquête sur les fonds destinés à l’état de siège
Prenant la parole, le député national du Nord-Kivu, Safari Jacques, a affirmé que trois ans après l’instauration de l’état de siège, la situation s’est dégradée davantage. Actuellement, beaucoup de localités sont entre les mains de rebelles.
Pour lui, en réalité, l’état de siège a échoué.
« Les gens que le chef de l’État a choisis pour aller ramener la paix à l’Est font autre chose en lieu et place de ramener la paix. Les officiers ne doivent pas se contenter de dire que Goma n’est pas entre les mains des ennemis pour justifier leur travail. La ville de Goma est devenue actuellement invivable pendant que le gouverneur militaire est là. Il y a un dysfonctionnement dans la gestion de cette guerre », a-t-il déclaré.
À l’en croire, avec la prise de localités par les rebelles du M23, la République Démocratique du Congo est en train d’être balkanisée.
« Nous constatons que le pays est en train d’être balkanisé dans la douceur, au vu et su de tous », a-t-il ajouté.
Il a estimé, en outre, que la gestion de la province du Nord-Kivu doit être remise aux mains de civils.
Cet élu du Nord-Kivu a appelé à la mise en place d’une commission pour rappeler les gouverneurs des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri afin d’expliquer la réalité du terrain.
De son côté, l’Honorable Mbidule Cripin a déploré le fait que le projet de loi portant prorogation de l’état de siège soit présenté par le ministre de la Formation professionnelle, qui ne saurait pas répondre aux préoccupations des députés nationaux.
« Qu’est-ce que le gouvernement a fait pendant les 15 jours passés et qu’est-ce qu’il fera pour les 15 jours prochains ? », s’est-il interrogé.
À l’en croire, le gouverneur militaire du Nord-Kivu ne gère plus les opérations. Il gère plutôt la politique.
« La guerre dure parce que le gouverneur militaire est comme tout civil. Ce dernier ne gère plus les opérations. Les opérations lui ont été retirées », a-t-il fait savoir.
Dans la foulée, il a appelé l’Assemblée nationale à constituer une commission d’enquête sur les fonds destinés à l’état de siège.
« L’évaluation de l’état de siège doit se faire sur le terrain et nous devons inviter les deux gouverneurs des provinces pour répondre aux préoccupations des députés », a déclaré le député Cripin Mbidule.
Et d’ajouter : « Le gouverneur militaire se contente de faire du footing le matin et d’autres choses au lieu de suivre les opérations. »
Pour l’Honorable Iracan Gratien, élu de la province de l’Ituri, dès le premier mois de l’instauration de l’état de siège, le peuple a commencé à crier. Et d’ajouter que les choses se sont aggravées au deuxième mois.
« Pourquoi maintenir un dispositif qui ne permet pas de restaurer la paix à l’Est de la RDC ? Jusqu’à ce jour, l’état de siège n’a rien fait », a-t-il déclaré.
À l’en croire, pendant l’état de siège, il y a eu plus de créations de groupes armés, plus de destructions, des morts,… qu’avant l’état de siège.
« Il y a eu de l’affairisme, de business, pendant l’état de siège. (…) L’état de siège n’avait pas pour objectif la création de routes, mais plutôt la sécurité. Les animateurs de l’état de siège sont devenus des politiciens. Ils ont des militants, créent même des radios pour s’attaquer aux députés nationaux », a déclaré l’honorable Iracan Gratien.
Il sied de signaler que le Président de l’Assemblée Nationale, Vital Kamerhe, a, de son côté, affirmé qu’une
commission d’enquête et évaluation sera mise sur pied pour rédiger les termes de référence de la mission qui sera envoyée pour s’enquérir de la réalité sur terrain. Et ce, pour permettre à la plénière de faire des résolutions concrètes sur l’état de siège.
Il y a lieu de rappeler que lors du lancement de la table ronde sur l’évaluation de l’état de siège à l’Est de la RDC, le lundi 14 août 2023 au Palais du peuple, le Chef de l’État Félix Tshisekedi avait estimé que l’état de siège, instauré depuis mai 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, n’a pas vocation à s’éterniser.
Félix Tshisekedi avait fait savoir qu’il avait activé ce dispositif constitutionnel exceptionnel avec l’engagement et la détermination d’endiguer les menaces graves et de sécuriser les populations et leurs biens dans le seul but de rétablir une paix durable, en vue de stabiliser cette partie du territoire national en proie à des conflits et d’amorcer enfin son processus de développement au même titre que toutes les autres provinces de la RDC.
Signalons que, sans parvenir à ramener la paix, cette mesure d’exception a restreint les libertés publiques et remplacé l’administration civile par des responsables militaires et policiers.
Eldad Bwetu